Sur le compte Instagram “Tasjoui”, créé par Dora Moutot et aux 548 000 abonnés, la parole et la jouissance des femmes fait régulièrement débat. Le compte réussit plutôt bien l’exercice, et on y évoque donc, sans honte ni gêne, la façon dont notre société s’est construite en stigmatisant le désir des femmes. Par exemple, pourquoi parle-t-on seulement d’hystérie, liée donc à l’utérus ? Et non de “pénystérie” ? Pourquoi se moque-t-on des seins qui s’affaissent et non des couilles qui tombent ?
On laisse donc ce fameux compte répondre à toutes ces questions complexes et tellement actuelles. Ce qu’on va tenter de faire en revanche, c’est dresser les différences entre l’homme et la femme quand on parle d’excitation, de désir et de plaisir sexuel.
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Désir homme/femme du point de vue des différences biologiques : quelles sont les convergences ?
Après plusieurs lectures et recherches, un ouvrage a attiré notre attention : “Jouissance Club” de Jüne Pla (Éditions Marabout). Rien qu’à lire la préface, le message est inspirant : il existe de plus en plus d’ouvrages qui parlent de sexe, et qui nous dirigent donc vers un avenir sexuel excitant et informé. Car la connaissance, c’est le début du plaisir. La sexualité n’est pas innée et dans notre société actuelle, elle est encombrée de clichés et représentations coercitives. La série de podcasts de France Inter, Le désir, l’évoque d’ailleurs elle aussi : le savoir libère le désir.
D’autres lignes de ce livre ont aussi attiré notre attention : l’organe sexuel masculin et féminin seraient en fait les mêmes organes, qui auraient simplement connu une évolution différente. Ils sont tous deux constitués de corps spongieux et caverneux. La vulve, chez la femme, possède une partie de son anatomie appelée la tige, et rentre aussi en érection au moment de l’excitation. Tout comme le pénis.
La femme possède des glandes, dites “glandes de Skene”, qui sont les homologues de la prostate et qui sécrètent même un liquide éjaculatoire, inodore et incolore. Les femmes éjaculent donc elles aussi.
Et quant aux règles ? Les menstruations que seules les femmes connaissent, est-ce qu’elles influent sur le désir ?
Jüne Pla, autrice de “Jouissance Club” a mené un sondage sur son compte Instagram et le résultat conforte notre thèse : il n’existe pas de corrélation entre les menstruations féminines et la courbe du désir puisque certaines femmes ne ressentent pas de désir pendant leurs règles. Mais au même moment, il y en a qui connaissent pendant cette période une augmentation de désir. D’autres, carrément, ont tout le temps envie de faire l’amour, qu’elles soient en menstrues ou non.
À lire aussi : Avoir ses règles même étant enceinte, c’est possible !
Pour pousser la réflexion à bout, il existe un point qui pourrait marquer une nette différence entre l’homme et la femme dans la création du désir : des études ont en effet prouvé que pendant leurs périodes d’ovulation, les femmes sont plus attractives. Cela serait dû à la production d’un certain stéroïde sexuel sécrété uniquement durant cette période. Ce dernier stimulerait les capteurs olfactifs de certains hommes. Mais quand on sait que le répertoire olfactif est constitué de 400 gènes différents et qu’il est à ce jour impossible de prouver que deux répertoires olfactifs identiques existent chez deux personnes différentes, comment s’assurer que la période d’ovulation chez la femme est directement liée à une augmentation du désir chez l’homme ?
L’orgasme féminin versus l’orgasme masculin
Le mythe remonte à l’Antiquité : inatteignable, mystérieux, etc. L’orgasme féminin a toujours été décrit comme plus complexe, plus puissant et plus riche que l’orgasme masculin. Or, l’orgasme masculin, malgré toutes les vérités reçues, serait en fait aussi complexe que l’orgasme féminin. Et cela a même été prouvé scientifiquement. Les expériences utilisant l’imagerie cérébrale ont montré qu’il existe peu de différences entre l’intensité du plaisir ressenti pendant l’acte sexuel chez les hommes et chez les femmes.
Et ce que nous avons tendance à communément décrire comme l’orgasme masculin (l’orgasme éjaculatoire) n’est en fait qu’une partie seulement du plaisir que l’homme peut connaître. Il en existe bien d’autres, et pas des moindres, comme l’orgasme prostatique par exemple. Dans cet épisode des “Couilles sur la table” qui explore l’orgasme masculin, Adam, hétérosexuel, raconte comment il a découvert une nouvelle forme d’orgasme, plus long et plus subtil, en se concentrant sur sa prostate. Toujours à travers l’épisode, il explique comment atteindre l’orgasme prostatique avec par exemple des objets. Il décrit entre autres les différences entre le masseur prostatique, le plug anal, ou même le godemichet.
La société et ses injonctions
Dans King Kong Théorie, Virginie Despentes déplore à juste titre l’injonction pesante que les hommes doivent subir au quotidien dans notre société. Selon elle, “la virilité traditionnelle est aussi mutilatrice que l’assignement à la féminité”.
Quant aux femmes, c’est bien connu : depuis la nuit des temps, une grande inégalité envers elles est observée. Elles peuvent par exemple ressentir une certaine pression si elles restent trop longtemps célibataires, c’est-à-dire jusqu’à un certain âge. Ou encore lorsqu’elles n’ont pas d’enfants, etc.
Dites_trentretrois illustre d’ailleurs toutes ces petites phrases, ou actions qui mettent justement la pression.
La pression sociale est bien présente et englobe bien des aspects. Elle se traduit par une multitude de façons, et peut avoir des incidences bien ancrées et néfastes. Et cette dernière va donc aller jusqu’à influencer notre désir. Et c’est justement ce qui nous intéresse aujourd’hui.
Comme il est défini que la norme sociale nous pousse à porter du bleu lorsqu’on est un petit garçon, et du rose lorsqu’on est une petite fille, pourquoi sommes-nous attirés par une certaine image de ce que doit être la féminité ou la masculinité ?
Une partie de la réponse à cette question vient déjà du fait que la société nous attend sur un rôle social.
Puisqu’on dépeint des portraits de femmes incarnant l’attirance et la beauté en étant féminine, et répondant à un certain nombre de critères, on attend de nous d’être attirés par ce genre de physiques. Pareil pour les hommes. Et ainsi, de façon inconsciente, le désir chez nous se crée, mais en étant influencé par les diktats de la société.
Les raisons de l’influence, celles qui peuvent l’expliquer, se manifestent de deux façons :
- L’influence informationnelle : Où l’on va accepter les informations des autres comme celles qui forment la vérité.
- L’influence normative : Où l’on va se conformer aux attentes positives de quelqu’un ou d’un groupe, pour rester dans la norme. Car elle est acceptée par la majorité.
Et pour compléter la description de ce qui peut, au sein de la société, influencer notre désir, d’autres scientifiques se sont penchés sur le sujet.
Le professeur Herbert Kelman a, par exemple, su dégager trois types de comportements :
- La compliance : Un comportement est changé, même si la personne ne modifie pas ses croyances. Par exemple, et dans le cadre de cet article, on se retrouve attiré par un nouveau type de personne, sans pour autant arrêter d’alimenter du désir pour ce qui l’attirait initialement.
- L’identification : C’est un cran au-dessus du phénomène de la compliance, le comportement va être changé en fonction d’une personne ou d’un groupe, et les croyances vont même être modifiées. Cela peut avoir des conséquences très néfastes sur le développement et l’épanouissement personnel d’un individu.
- L’intériorisation : Les comportements sont changés pour répondre à des valeurs qui sont intrinsèquement liées à l’individu.
Le désir et l’attraction sont liés à chaque individu
Quand Freud constate que le désir n’est que la résultante d’une frustration ; que Lacan affirme que “le désir de l’homme, c’est le désir de l’autre”, qu’il est impossible de rattacher une quelconque source de désir, d’attraction physique ou de plaisir à la catégorie d’un genre ; puisqu’il est à ce jour invérifié que l’orgasme féminin soit si différent de l’orgasme masculin et qu’il existe même des personnes transgenres, non binaires, etc., ranger des explications du désir selon une certaine catégorie de personnes serait hautement réducteur.
Aussi, existe-t-il plusieurs codes culturels à travers les sociétés. Et la façon de se comporter est liée seulement à chaque individu. En conclusion, la création du désir est seulement individuelle.